Le service PAMO de la Fondation Kannerschlass, qui intervient dans les familles pour les problèmes de parentalité, a fêté ses 30 ans durant lesquels la demande a augmenté et les profils des bénéficiaires se sont diversifiés.
L’année 2024 marque les 30 ans du service PAMO (Projet d’action en milieu ouvert) de la Fondation Kannerschlass. Fondé pour accompagner les enfants et adultes en situation familiale de détresse, le PAMO fait partie du service ambulatoire de la fondation.
Les éducateurs y œuvrent en milieu ouvert, en se rendant auprès des familles, à leur domicile, afin de régler les problématiques entre enfants et parents. À l’occasion de cette date anniversaire, Valérie Scuto-Franck, chargée de direction du PAMO et dans le milieu depuis 35 ans, en profite pour revenir sur l’évolution de son métier, de la demande et des problématiques.
Pourquoi le PAMO a-t-il été créé?
Valérie Scuto-Franck : Quand Gilbert Pregno a lancé le PAMO, l’idée première, c’était d’éviter les placements d’enfants et de sortir de cette logique qu’il faut punir les parents qui ne s’en sortent pas avec leurs enfants et ceux qui sont issus de milieux sociaux défavorisés et qui ne peuvent pas élever leurs enfants comme il faut.
L’idée était de voir comment est-ce qu’on pouvait aider les familles à redevenir maîtres de leur vie et maîtres de l’éducation de leurs enfants, tout en analysant ce dont elles avaient besoin et comment on pouvait les soutenir dans ce processus, cet apprentissage de la parentalité.
C’est ce qui explique le nom de « Projet d’action en milieu ouvert ». C’est en milieu ouvert au domicile des familles. On se déplace au domicile des familles, dans leur intimité, afin de travailler sur le terrain avec elles sur les problèmes qui se posent. À l’heure actuelle, on doit être aux alentours de 130 familles suivies. L’équipe du PAMO compte, elle, 10 éducateurs.
La demande a-t-elle augmenté depuis les débuts du service?
Il y a 30 ans, les demandes venaient plutôt de parents issus de milieux défavorisés étant donné que notre mission, c’est d’éviter les placements. C’étaient des parents qui avaient peur que leur enfant se retrouve placé par les tribunaux ou le service central d’assistance sociale du tribunal.
Les problèmes ont changé, ils n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. La condition des familles et des enfants a évolué aussi, mais il y a encore des demandes sous contrainte parce qu’il y a des soucis, parce que les parents ont peur qu’on leur enlève leurs enfants. Je crois que cela reste toujours dans la tête des parents quand ils sont montrés du doigt.
Mais il y a une partie de demandes réelles de parents qui ne s’en sortent plus, qui sont confrontés aux médias sociaux, à la consommation de drogue ou d’alcool ou aux décrochages scolaires. La complexité des problèmes s’est accrue au fil des ans. Et toutes les classes sociales sont touchées. Il y a aussi les situations de divorce, qui génèrent beaucoup de problèmes.
Il y a 30 ans, c’était rare qu’un père revendique un droit de garde ou un droit d’hébergement. Aujourd’hui, heureusement, les pères le revendiquent aussi. Là aussi, on a beaucoup de demandes qui nous viennent des tribunaux ou des parents eux-mêmes parce qu’ils ne savent pas comment résoudre ce conflit, comment rétablir une communication.
Je pense que la gêne pour dire : « Je ne m’en sors pas tout seul » est moins grande qu’il y a 20 ans. Dans le temps, c’était plus compliqué. On avait honte, on voulait se cacher.
La pression pour placer les enfants est-elle toujours aussi forte qu’il y a 30 ans?
Personnellement, je trouve que la peur d’avoir son enfant placé reste présente. Cela reste notamment présent parce que dans les écoles, par exemple, il y a des directives de signalements d’enfants très importantes.
Un enfant qui dysfonctionne, un enfant qui raconte qu’il a été tapé par ses parents, on va le signaler beaucoup plus vite au tribunal que dans le temps. Cette peur, elle reste. Lorsque son enfant est signalé au tribunal, on a tout de suite peur que le tribunal nous l’enlève.
Il y a aussi un gros travail pour rassurer les parents par rapport à cette crainte et pour les soutenir, les aider à développer d’autres capacités éducatives et parentales.
On va signaler les cas beaucoup plus vite au tribunal que dans le temps
Concrètement, comment se passe un suivi familial?
Cela peut durer des années. On a un service réputé pour avoir beaucoup d’endurance, car on pense qu’il vaut mieux garder cette collaboration que de la terminer, que d’attendre que de nouveaux problèmes se posent.
Parfois, il y a des familles qui arrivent, il y a cinq ou six services différents qui se sont occupés d’elles et ils n’ont pas réussi à réellement les sortir des problèmes. Il y a des familles qui ont besoin de soutien pendant plus longtemps, tandis qu’il y en a d’autres qui, au bout de six mois, un an, arrivent à gérer la situation sans notre aide.
Ça peut continuer à un rythme beaucoup moins soutenu. Au départ, on intervient une fois par semaine dans la famille, l’Office national de l’enfance nous octroie cinq heures par semaine. En situation de crise, on peut bien sûr demander du temps supplémentaire.
Mais notre service n’est pas un service intensif ni intrusif. On ne va pas à domicile chez les parents pour observer les situations ou pour faire les choses à leur place. On travaille avec eux pour les aider à activer leurs propres ressources.
Le PAMO, troisième volet du service ambulatoire
Le PAMO fait partie du service ambulatoire de la Fondation Kannerschlass qui comprend également un volet logement (Slemo) et un volet de consultations psychologiques (Co-Psy). Le Co-Psy est ouvert aux enfants comme aux parents et propose des consultations et des thérapies à la demande des personnes intéressées, de l’Office national de l’enfance (ONE) ou d’autres professionnels.
Le Slemo permet quant à lui d’accueillir de jeunes adultes, entre 18 et 26 ans, faisant face à des difficultés familiales et/ou psychosociales au sein d’un logement à Luxembourg ou à Sanem.